Né sens

Publié le par Oeil tari

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Mardi 09 février :


Journée ordinaire, bien chargée par les préparatifs, je n’ai même pas eu le temps de marcher comme d’habitude. Un bon tagine aux légumes au dîner, une bonne ambiance et bébé qui gigote toute la nuit, elle fait du surf dans sa bulle, j’ai cru qu’elle allait émerger de mon ventre à un certain moment. Avant de me coucher j’avais prévu de faire la marche toute la matinée avec ma doula pour aider bébé a descendre avant de me rendre au bain maure ( il parait que ça favorise la dilatation du col) puis me faire un brushing. La journée du mercredi s’annonce donc bien remplie

Mercredi 10 février :

5h 45 : Apres une nuit mouvementée par les rotations de bébé et quelques réveils pipi le réveil de chéri sonne. Eh oui, on est mercredi, c’est un jour de travail comme les autres, il me regarde et après le bisou du matin me demande comment je me sens. A J-2 de ma DPA je voulais quand même le garder pour moi… « Dis à ton patron que je le maudis » j’aurais tellement aimé qu’il me tienne compagnie ! Je me recouche.

A 8h me réveille je me penche sur des coussins, je fais quelques mouvements de bassin et « plouf… pshiiiiiiiiiiiiiiit » oups, ça coule dans mon pyjama et le matelas risque d’être inondé ! « oh qu’elle horreur je perds les eaux ! » et là juste après je me réponds « mais non, c’est pas horrible, c’est merveilleux, je vais bientôt être maman ! ». Je sens ma culotte et mon pantalon se mouiller subitement. Je coule comme un robinet et je ne peux l’arrêter. Très contente je me lève et me dépêche d’appeler mon homme qui venait d’arriver à son bureau «Chéri, je crève mes eaux! Chéri, je couuuuule! » Je ris comme une folle. Je cours avertir ma mère qui me préparait le petit déj, elle court partout à la recherche de quelque chose pour absorber la piscine qui se vide. Je ne peux m’empêcher de rire. Et voilà que je le vivais! Ma cousine m’apporte une serviette de bain que je place entre mes jambes, le temps de me rendre à la salle de bains. Sous la douche, j’enlève mon pyjama. Après quelques minutes de dégoulinage, ça semble terminé. Chéri appelle la gygy pour l’avertir. Je mets une serviette, change de pantalon. En attendant l’arrivée de mon chéri je fais tourner la machine à laver, je vérifie le contenu de ma valise, les papiers… et je poste un petit mot sur mon blog.

Vers 9h 15 il est là et nous voilà partis! C’est bien vrai, je vais enfin accoucher! C’est super. J’ai mis une couverture sur le siège d’auto au cas où. J’ai bien fait, car la piscine continue de se vider! J’essaie de retenir, de me placer de façon à ce que ça coule dans ma serviette, mais il n’y a rien à faire, c’est le déluge! Nous arrivons finalement à la clinique. Mon pantalon est complètement trempé, je m’en fous, je suis trop excitée à l’idée de rencontrer bientôt ma fille. Dehors, il fait un beau soleil, mais froid. Le regard de la réceptionniste se pose sur moi, je suis très à l’aise pour une femme qui va accoucher, d’ailleurs je ne sens aucune contraction ! « C’est à quel sujet ? » Mon mari lui montre mon ventre du doigt. « C’est programmé ? » « Non, du tout ». Et, depuis mon arrivée à la maternité, rien ne se passe comme je l'avais imaginé. On nous oriente vers la maternité. La sage attend que l’une des salles se libère pour vérifier mon col. Se fut long, j’entends des cries des bébés qui viennent de naître, des cris des femmes qui accouchent, … Enfin, je suis prise en charge.

Vérification du col : grosse déception, moins d’un doigt. Le monitoring révèle un cœur qui bat normalement et des contractions chaque 15 min, bizarre, je ne ressens pourtant rien. On attend, mon mari ne me quitte pas d’une semelle, on regarde un épisode de la série « Monk », On rigole. Je suis contente, je sais que ça va être long, je me dis que ma fille n’arrivera pas avant demain, col fermé pour contractions très espacées, bébé trop haut, bref, on attend. Gygy arrive vers midi histoire de me rassurer, elle me dit qu’on va me mettre sous antibiotique pour protéger le bébé et qu’on ne va pas me provoquer pour l’instant puisque il y a de trop forte chance pour que ça ne marche pas. On attends donc 24 h, le travail se déclanchera peut être de façon spontanée. J’y crois, on va attendre.

17h : re contrôle, mon col n’a pas bougé toujours à un ! On ne va plus me toucher, c’est trop risqué pour bébé, ça favorise les infections. Là je commence à douter. Je comprends que je ne peux pas être provoquée… Soit bébé se décide, soit ils viendront le chercher. Je rumine toute seule. 20h : mon mari me propose des pizzas pour me remonter le moral. Je profite de son absence pour passer des coups de fil. D’abord Rajaa, une amie médecin, pour demander son avis. Elle est catégorique « demande une césarienne d’urgence, tu prends trop de risques pour ton bébé » « Non, pas de soucis de ce coté, je suis sous antibiotique » « Le risque est toujours là, même le déclenchement y a très peu de chance que ça marche, ton col est fermé, tu finiras au bloc » « Je ne veux pas de césarienne », « écoute, si tu décides de ne pas la demander, demande une CRP toute les heures, vérifie la couleur de tes pertes régulièrement, ne dors pas et surtout fais attention à ta température, bon courage ». Panique à bord. Autre coup de fil à une autre amie, médecin aussi. Elle est du même avis « demande une césarienne d’urgence, ton bébé n’est plus protégé, ça fait 12 heures que tu as perdu les eaux ». La déception a été immense, j’étais seule a essayer de comprendre et mesurer le pour et le contre. Angoisse.

Mon mari arrive tout content avec les pizzas, je lui en parle, on décide d’appeler gygy. Je lui parle des risques, elle me dit que c’est vrai, les antibio diminuent le risque mais il est toujours là. Je demande désespérée « On fait quoi ? » Silence, « Césarienne ? » « Comme vous voulez » « On la fait quand ? » j’espérais avoir encore un peu de temps, donner une dernière chance à la nature, pour qu’elle fasse son travail, mais non… « Tout de suite, je vais demander à l’équipe de te préparer le temps que j’arrive ». La nouvelle a l'effet d'une bombe dans mon cœur. Je voulais dire NON, mais la culpabilité me ronge, je m’en veux terriblement, je suis égoïste. C'est comme si je ne pensais qu'à moi, comme si j'avais privilégié mon envie d'accoucher normalement, alors que je dois réclamer à corps et à cri une césarienne, ce que j’ai fait. J’ai compris que si j’insiste l’issue peut être dramatique.

Je suis mortifiée, je viens de me faire couper les ailes en plein vol. Confusion, déception. Je ne comprends rien, j’ai peur. Je n'avais jamais imaginé avoir un jour une césarienne. A vrai dire je n'avais pas pensé accoucher autrement que « normalement ». J'ai eu ce qu'on peut appeler une belle grossesse, idyllique, sans complications. J'étais sereine et j'avais tellement hâte de donner la vie, de connaître ça, d'accoucher naturellement, de sentir mon bébé naître, d'être active. J'étais prête pour le jour J même impatiente je dirais. Les jours se sont écoulés, comme tout le monde, j'ai attendu les trois mois fatidiques pour commencer à acheter des bodies et autres chaussons de laine. Ma grossesse se déroulait sans aucune complication, mon bébé était dans les normes et les jours s'écoulaient dans la joie et la bonne humeur. Je grossissais à vue d'oeil (j'ai pris 16 Kg!!!!). A chaque visite mensuelle, mon gynéco m'expliquait que mon accouchement allait bien se passer. A part du fer, je n'ai rien dû prendre comme médicament. Tous les indicateurs étaient bons : présentation céphalique, bassin large, pleine d'énergie positive, la confiance en moi et mon bébé grandit. Je parle à mon bébé, ma confiance est au top. Je prépare un projet de naissance voie basse. Bien sûr, dès le début de ma grossesse j'avais déjà tous les plans de mon accouchement en tête et de la suite des événements ! Ce serait un accouchement comme il faut, avec travail préalable et attente pour aller en salle d'accouchement, ensuite un accouchement peut être un peu douloureux mais ce ne serait rien car je pourrais attraper mon petit bout et le serrer contre moi, et enfin un allaitement ou tout se passerait bien ! Mais voilà, le destin en a décidé autrement.

Les sages femmes sont venues me rassurer, m’interdisent de boire et hop la machine médicale s'est mise en route… on m’emmène au bloc sous le regard de mon mari, il ne peut pas rester avec moi, je suis allongée, impuissante, les bras en croix et attachée, sonde urinaire (avant l’anesthésie !) tout est calculé, aseptisé, froid. Je suis le numéro x la chambre M3, j'étais entourée d'une grande équipe médicale, tous affairés à leur tâche, l'atmosphère était tendue au bloc. Je me sentais seule et terrifiée. Je ne voyais que mon ventre devant moi et tout est allé très très vite. Ils ont piqué, ils ont ouvert, ils l'ont sorti en criant au pédiatre « RPM RPM (rupture prématurée des membranes) faites le nécessaire». Les larmes ont giclé de mes yeux, me dents claquaient sans que je puisse contrôler ma mâchoire. 21h 05 : ma perle est née, je ne la vois pas, je l’effleure du regard, je suis ligotée, je ne peux même pas lui faire un câlin, je ne pouvais rien faire pour l’accueillir, je pleure, ils l'emmènent loin de moi. Je n'ai pas vu le cordon ombilical, ce lien qui nous reliait depuis 9 mois. je n'ai pas senti le corps tiède de bébé sur mon ventre. C'est allé très très vite, trop vite, je pleurais tellement, quelle déchirure de voir son enfant après 9 mois d'attente emmené manu militari. Quel gâchis…

Ensuite ils m'ont recousu, ils discutaient entre eux, je sentais les instruments posés sur mon ventre. Je me sentais comme un vulgaire morceau de viande. Malgré le bonheur d'avoir enfin mon bébé, je regrette tant de n'avoir pas pu lui donner la vie moi-même. Je n'ai fait que m'allonger et on me l'a sorti du ventre.

J’ai regagné ma chambre, sans passer par la salle de réveil, « je veux voir mon bébé ». Les infirmières ont refusé au début, je dois me reposer disent-elle ! Heureusement j'avais encore assez de forces pour pester et on me l’a ramené. Ma première rencontra avec ma fille, c’est magique, ma fille, enfin, ma fille est là. Ce moment a été tellement magnifique que je me répétais « elle est belle ma fille, elle est belle », malgré l’absence de cet acte de mettre au monde c’est quand même mon bébé. Je plonge mes yeux dans son premier regard et j'y reste…. Je sens son odeur, notre odeur mélangée, sa peau si agréable, sa chaleur, ses premiers mouvements et je découvre ma fille… Le cadeau final de cette aventure. Il me semble que nous sommes seuls sur une île déserte, mon mari, Hasna et moi. Je voulais la garder la nuit, je voulais commencer l’allaitement, mais c’était impossible. Je voulais voir ses mains, ses pieds, je voulais la voir dormir, la voir bouger, je voulais savoir à qui elle ressemble mais c’était impossible. J’ai dû me résigner à la laisser passer la nuit à la nurserie.

Surtout et la nuit qui a suivi la naissance a été terrible et ce fut un énorme moment de solitude. Mon mari se repose, il a passé la nuit avec moi. Je rumine, émotions ambivalentes… J'ai échoué, ce n'est pas juste, j'ai tellement mal, je suis si fatiguée, je suis soulagée, je suis triste. Je ris, je pleure, je ris, je pleure. Une réussite médicale, un échec d'empathie … Je n'avais jamais imaginé que c'était ça une césarienne. J’ai entendu une femme arriver dans la nuit, elle a accouché trois heures après, je l’ai entendu, j’ai mal, je suis envieuse, je pleure…

Jeudi 11 février :

Le matin ils m'ont changé et j'ai vu mon ventre. Ce n'était plus qu'une grande flaque de peau et ce fut un choc énorme. Je n'avais pas pensé devoir faire le deuil de mon ventre. J’ai beaucoup regretté de ne pas l'avoir caressé davantage la veille. En 30 minutes, on passe d'un ventre de 9 mois à plus rien, sans en avoir vraiment senti quelque chose.

Le premier jour a été extrêmement douloureux, je n'aurais jamais pensé que mon ventre puisse me faire autant mal. Je n'avais jamais ressenti une pareille douleur, j’ai eu des nausées qui se sont étalées périodiquement pendant toute l'après-midi. je ne réussissais pas à me lever sans faire de malaise. J’avais tellement mal que je me demandais juste comment je pourrais me redresser dans mon lit pour allaiter ma fille. Le lendemain de ma césarienne, je n'arrivais pas à mettre ma fille au sein. Elle a du mal à prendre, mon téton ne ressort pas. C'était horrible. J’ai raté mon accouchement et voilà que je suis en train de rater l’allaitement… c’est terrible … Trop dur pour ma féminité. Je suis incapable de marcher, de porter ma fille, j’étais réduite à regarder des inconnues prendre soin de mon enfant, jamais je ne pourrais oublier la douleur ressentie à cet instant, ce sentiment d’être impuissante, incapable de prendre soin de ma fille.

Heureusement que j’ai trouvé le soutien précieux de mon mari, il m’aide, me supporte. Il est très patient et calme, ce qui m’aide à ne pas perdre la tête, qu’est ce que je l’aime.

Vendredi 12 février :

Le lendemain, j'ai eu cette force incroyable de me lever malgré les douleurs transperçantes et d'aller chercher ma fille, je l'ai gardé près de moi. J’ai l’ai mise au sein, elle a du mal, j’ai mal, les tétons commencent à être en sang, j’insiste, ça me permet de mieux assimiler la naissance. Et j'ai pu allaiter une heure, ça nous a aidé toutes les deux. Nous passons la journée ainsi, toutes les deux, elle sur mon sein, un vrai moment d’intimité.

Samedi 13 février :

Nous sommes partis de la clinique où Hasna est née. Il faisait encore beau et froid. Ma vie de nouvelle maman commençait enfin réellement. C’est le début d’une nouvelle vie.

Publié dans Grosse S

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O
<br /> Merci Marlou, tes mots me font beaucoup de bien. En effet à 20 jours Hasna n'a toujours pas repris son poids de naissance, je dois lui donner à boir chaque 2 heures si jamais on poids n'augmente<br /> pas je vais devoir lui donner un biberon le soir, comme tu as fait pour ta fille.<br /> Bises ma Marlou<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Je comprends ta deception, mais l'important pour une maman ce n'est pas de mettre au monde, mais d'aimer son enfant...<br /> Et ça tu sais très bien le faire...<br /> Pour l'allaitement naturel, c'est le meilleur car la petite<br /> est immunisée contre les maladies.Continue, mais si jamais Hasna ne prenait pas assez de poids, tu pourrais lui donner un biberon à la dernière têtée pour qu'elle s'endorme rassasiée.Pour moi,<br /> c'etait comme cela...<br /> Je t'embrasse très fort Oeil Tari et Hasna aussi.<br /> Mille Mabrouks .<br /> <br /> <br />
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